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Publicat în 19 septembrie 2012, 15:47 / 739 elite & idei

Thierry de Montbrial: Gouverner à l’ère numérique

Thierry de Montbrial: Gouverner à l’ère numérique

Par Thierry de Montbrial | LE MONDE

L’art du gouvernement s’est considérablement complexifié au cours des deux dernières décennies, en fait depuis la chute de l’Union soviétique. Avec la mondialisation et l’explosion numérique, l’interdépendance a changé de degré, mais surtout de nature. L'”effet papillon” est une réalité, dans le domaine économique comme dans le domaine politique. La crise financière, née il y a cinq ans de l’affaire des „subprimes”, continue de peser sur les Etats-Unis et sur l’Europe, et donc de menacer la croissance dans les parties les plus dynamiques de la planète. Le „printemps arabe” est encore loin d’avoir épuisé ses effets.

De plus en plus ouverts à tous les vents, la plupart des Etats ont moins que jamais la maîtrise de leur environnement. Parallèlement, ils perdent celle de leurs affaires intérieures, en raison également du développement incontrôlable des médias et des réseaux sociaux. Chacun peut désormais, sans aucune retenue, mettre directement des contenus à la disposition d’un public potentiellement illimité. Il en résulte une explosion des points de vue et un aplatissement de l’autorité, experts et citoyens de base tendant à être mis sur le même plan.

Quant aux réseaux sociaux, on peut souvent y voir des coalitions d’attention plus ou moins temporaires et réversibles, le plus souvent sans effets externes majeurs, mais susceptibles de se transformer en coalitions d’intention et même, parfois, de produire des conséquences fulgurantes, comme un coup de grisou.

Inconfortables pour les Etats démocratiques, ces phénomènes sont insupportables pour les gouvernements autoritaires, qui redoutent de se trouver brusquement déstabilisés et de subir le sort des régimes de Ben Ali, de Moubarak ou de Kadhafi. Ces gouvernements ont donc tendance à se raidir, comme aujourd’hui la Russie, quitte à se résigner aux conséquences négatives de leurs actes – comme dans l’affaire Pussy Riot – en termes d’image.

On retrouve là l’énorme disproportion entre les causes et les effets, caractéristique de l’effet papillon. Dans certains cas, comme en Iran, la répression semble efficace, mais à quel coût, et pour combien de temps ? A la limite, un Etat totalitaire comme la Corée du Nord est condamné à l’isolement total, afin de pouvoir survivre pour une durée d’ailleurs indéterminée.

LA FIN DE L’HISTOIRE

Les optimistes voient dans ces évolutions comme une marche accélérée vers la fin de l’Histoire, pour parler comme le philosophe et économiste américain Francis Fukuyama il y a vingt ans. Pour eux, la démocratie universelle va naître de la Toile. Grâce à elle, nous vivrons bientôt dans le meilleur des mondes possibles. Les pessimistes, ou plutôt les réalistes, observent que les sociétés évoluent beaucoup plus lentement que la technologie. Ici ou là, le „printemps arabe” est en voie d’être récupéré, comme avant lui la „révolution orange” en Ukraine.

En affaiblissant la capacité de décision des vraies démocraties, à vrai dire de plus en plus impotentes, ne fait-on pas paradoxalement le jeu des forces réactionnaires qui récupèrent à leur profit les mouvements initiés par des adeptes, conscients ou inconscients, de la religion de la fin de l’Histoire ? Un des piliers de cette religion est la posture selon laquelle la liberté la plus absolue doit régner sur la Toile. On en revient ainsi au vieux débat sur les fondements du libéralisme, le dogme libertaire se heurtant à l’idée que trop de liberté tue la liberté.

L’enseignement majeur du libéralisme (politique ou économique) est que la liberté doit être encadrée par des institutions visant à la consolider dans la durée. De telles institutions ne naissent pas par génération spontanée, comme le montre l’histoire des démocraties occidentales, d’où l’erreur de ceux pour qui il suffit de renverser une dictature et de faire une élection au suffrage universel pour résoudre les problèmes.

LE RÔLE SANS ÉQUIVALENT DES THINK TANKS

Cela nous permet de toucher du doigt un problème fondamental de notre époque.

Par nature, la Toile ignore les frontières. Or, historiquement, les institutions puisent leur légitimité dans les Etats-nations. La notion de société civile se définit elle-même dialectiquement par rapport aux Etats, puisqu’un aspect essentiel des institutions d’une société civile est d’exercer une fonction critique vis-à-vis d’un gouvernement, lequel veille en retour à ce qu’elles respectent les lois. De ce point de vue, la société civile mondiale n’existe pas davantage qu’il n’y a d’unité politique mondiale.

Ce qui existe aujourd’hui de gouvernance mondiale est squelettique, et aucune culture commune ne cimente les citoyens du monde. En même temps, on sent bien que, sans une bonne gouvernance, la mondialisation court à sa perte, ce qui pourrait ouvrir la voie à toutes les aventures. Puisque les Etats semblent impuissants à faire émerger une telle gouvernance, ne faut-il pas attendre le salut des centaines de millions d’intelligences connectées sur la Toile ? C’est là que les think tanks de la planète qui travaillent sur le mode de la raison, et pas seulement sur celui de l’émotion, peuvent jouer un rôle sans équivalent dans l’Histoire.

On peut imaginer que se constituerait ainsi l’embryon d’une société civile mondiale portant le germe d’une unité politique mondiale. A l’ère numérique, pareil renversement est devenu concevable. Mais il faudra, dans le meilleur des cas, beaucoup de temps pour renforcer ainsi la sécurité planétaire. D’ici là, bien des accrocs, et sans doute de drames, se produiront.

Thierry de Montbrial

Les défis de la société civile du „Rapport mondial sur le système économique et les stratégies”
L’édition 2013 du „Rapport mondial sur le système économique et les stratégies” („Ramses 2013”, éd. Dunod, 336 pages, 32 euros), réalisé par l’Institut français des relations internationales sous la direction de Thierry de Montbrial et Philippe Moreau-Defarges, a pour titre Gouverner aujourd’hui ?
Cinq des sept chapitres synthétisent les événements politiques et économiques survenus dans chaque région du globe. Un autre chapitre porte sur les enjeux de l’économie mondiale (crise de la dette européenne, montée de la Chine, régulation financière, protectionnisme, questions énergétiques) et un dernier reprend le thème titre de l’ouvrage, s’interrogeant sur les moyens de gouverner face aux mouvements de la société civile, qu’ils soient migratoires, „virtuels” (par la sphère numérique) ou sociaux, avec la montée des classes moyennes dans les pays émergents.
Une chronologie, un index, des tableaux de chiffres, une page de liens Internet avec les principales sources statistiques et treize cartes en couleurs complètent cet ouvrage de référence.

Thierry de Montbrial
Thierry de Montbrial est fondateur et directeur général de l’Institut français des relations internationales (Ifri), éditeur du „Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies” („Ramses”).

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